C’est un jour de juin 2009, après une intervention chirurgicale que tout bascule. De façon totalement sourde d’abord, puis plus clairement 3 mois plus tard.
Le choc opératoire d’une chirurgie cardiaque à coeur ouvert, c’est pas rien. Durant ce travail de haute technicité, il faut bien le reconnaître, on vous ouvre le sternum à la disqueuse et on vous branche sur une machine extérieure chargée de faire circuler le sang à la place du coeur qui va être arrêté.
8 heures durant, une équipe médicale super entraînée s’affaire, s’engueule, se relaie dans un balai chorégraphié avec précision afin de réparer l’organe, de vous sauver la vie.
C’est le très grand stress généré par ce passage au bloc opératoire qui favorise le déclenchement d’une réactivation en chaîne.
A ce moment-là, je ne le sais pas encore, mais une chaîne traumatique s’est constituée à bas bruit tout au long de ma vie depuis ma naissance. Petits et grands stress générés par les abus, les négligences, certains connus, d’autres pas. Beaucoup relèvent d’une maltraitance éducative ordinaire “pour mon bien !” et d’autres relèvent de manquements plus graves et de l’ignorance des adultes supposés me protéger…
Alors bien entendu, le corps est anesthésié. Je me suis endormi un masque à oxygène sur la nez et la bouche. Ma dernière vision fût cette grande lampe fleur au plafond dont la corolle diffuse une lumière qui me semble de plus en plus blafarde.
Et puis mes yeux se réouvrent dans une salle plongée dans la pénombre. Je suis branché de partout sur des machines qui clignotent et affichent quantités de données. Les soins intensifs.
Quelqu’un vient me parler doucement en se penchant près de mon oreille. Cette personne m’informe que j’ai bien été opéré, que tout s’est bien passé !
Étonnamment ma première pensée concerne mon travail et mon lieu de vie. Maintenant je vais pouvoir arrêter ce travail beaucoup trop stressant pour moi et je vais aller vivre au bord de l’océan.
Après, c’est la douleur qui émane de cet énorme pansement sur mon torse. Mais bon, je suis en vie et apparemment tout mon corps fonctionne bien. Ma tête aussi. C’est vraiment super !
Huit jours et quelques séances de kiné plus tard, je suis transféré dans une clinique de rééducation. Le séjour dure 4 semaines. La méthode de l’établissement est d’occuper au maximum les pensionnaires avec un planning d’activités physiques des plus chargés. Eviter à tout prix la dépression post-opératoire. Et ça démarre chaque matin par une marche dès 8h.
L’autre obsession de l’endroit est de limiter votre perte de masse musculaire. Il est donc question d’enchaîner les séances de réveil musculaire, de vélo d’appartement et de musculation. Pas de bol avec mon pansement, je suis interdit de piscine. Pourtant le seul endroit qui m’aurait vraiment fait du bien. Quelques petites séances de sophrologie sont proposées.
Mes nuits sont émaillées de cauchemars violents et de réveils à cause de l’impossibilité de changer de posture. Si on ajoute à cela le défilé des personnels toute la nuit pour vérifier vos constantes. Le séjour n’est pas des plus reposant. On comprend mieux pourquoi le repos post-opératoire a été commué en rééducation post-opératoire. L’objectif affiché est de pouvoir courir pour attraper son bus le cas échéant ! Tout un programme.
Chaque week-end, j’ai la permission du médecin de sortir pour rejoindre mon domicile afin de me réhabituer à une vie normale.
A l’exception de quelques appels téléphoniques de ma famille, et de la visite chaleureuse de mes quelques ami.e.s, je suis seul ou a peu près pour affronter la tornade qui se lève que je ne perçois pas encore et qui va balayer beaucoup de chose sur son passage.
